mai 2019

Je vis mourant en silence!!

 

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Le 23 Mai est célébrée la journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale. J’ai eu à publier un premier article consacré pour mieux comprendre la fistule. Aujourd’hui, il me semble important de me pencher sur la souffrance que vivent les victimes de la fistules.

Incapables de rester sèches, beaucoup de femmes souffrent l’humiliation constante de dégager une odeur d’urine et/ou d’excréments. Il peut aussi leur être difficile de marcher parce que les nerfs des membres inférieurs sont atteints. Elles sont souvent rejetées par leur époux ou leur partenaire, évitées par leur communauté et blâmées de leur état. Les femmes non soignées non seulement peuvent s’attendre à une vie de honte et d’isolement, mais risquent aussi de connaître une mort lente et prématurée pour cause d’infection et d’insuffisance rénale. Parce qu’elles sont pauvres et ne comptent pas sur le plan politique, sans oublier l’opprobre attaché à leur condition, ces femmes sont restées dans une large mesure invisibles aux responsables tant à l’intérieur qu’en dehors.

Vivre avec cette maladie n’est pas facile. Les victimes doivent faire face au rejet, à la solitude comme l’a confiée cette femme de 30 ans, victime de la fistule lors d’une émission radio :

Vivre avec la discrimination dans ma famille a été la chose la plus douloureuse. On m’indexait tout le temps et j’étais tout le temps seule pour ne pas avoir à dégager d’odeurs désagréables auprès de mon époux et des membres de sa famille. Il a commencé à prendre ses distances tout comme les autres membres de la famille. Je vis mourant en silence et espérant bénéficier d’une opération tous les jours.

Beaucoup de femmes vivent ainsi dans le monde malgré l’existence de chirurgie réparatrice. Au Sénégal, des efforts se font pour garantir la prise en charge de la fistule mais il faut renforcer la prévention en insistant sur des actions visant à :

  •  repousser l’âge de la première grossesse;
  • mettre fin aux pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mutilations sexuelles féminines (MGF) ;
  • permettre d’avoir accès en temps voulu à des soins obstétricaux
  • offrir aux femmes la possibilité d’avoir des activités génératrices de revenues.

Seulement à travers ces différentes interventions, les femmes et filles pourront être réparées et espérer retrouver une vie normale.

Ibrahima FALL

Renforcer la prévention pour lutter contre la fistule obstétricale

fistuleQu’est-ce que la fistule obstétricale ?

La fistule obstétricale est une lésion liée à l’accouchement qu’il est possible de prévenir et, dans la plupart des cas, de guérir; elle laisse les femmes incontinentes, honteuses d’elles-mêmes et souvent coupées de leur communauté. La fistule survient quand une femme ou une fille souffre d’un arrêt du travail prolongé sans avoir accès en temps utile à une césarienne d’urgence. Il s’agit d’une affection débilitante qui a condamné — et condamne encore — des centaines de milliers de femmes à souffrir dans la solitude et la honte. La fistule obstétricale est incontestablement l’un des exemples les plus parlants de l’inégalité d’accès aux soins de santé maternelle et, jusqu’à une date récente, l’une des affections les plus cachées et négligées.

La fistule peut aboutir à des traumatises et une stigmatisation des victimes découlant souvent sur un rejet de la famille. Elle met en péril la santé, les espoirs et la dignité de plus de deux millions de femmes dans le monde. Chaque année, 50 000 à 100 000 femmes développent la fistule. Au Sénégal, on estime à 400 le nombre de nouveaux cas annuels. Mais l’absence de données statistiques fiables ne permet pas d’appréhender la situation réelle.

Causes et conséquences :

L’inégalité dans l’accès aux soins de santé est une cause sous-jacente de la morbidité maternelle en général. La fistule affecte généralement les membres les plus marginalisés de la société: des femmes jeunes, pauvres, analphabètes qui vivent dans des zones reculées. Les facteurs qui contribuent à la fistule obstétricale sont notamment la pauvreté, la malnutrition, des systèmes de santé insuffisants, des pratiques traditionnelles dommageables ( mutilations génitales féminines, etc) et un manque d’accoucheurs spécialisés, un accès limité aux césariennes d’urgence, une relation inégale entre les sexes et le facteur contributif d’une situation économique souvent mauvaise. Il est important de noter cependant, que la fistule peut toucher toutes les femmes, pas seulement les adolescentes. Pour les adolescentes, la grossesse et l’accouchement sont particulièrement dangereux car elles n’ont pas atteint leur plein développement physique, ce qui accroît le risque de travail dystocique. Prévenir les grossesses d’adolescentes en élargissant l’accès à l’information et aux services et en mettant fin aux mariages d’enfants, réduirait le risque de morbidité lié à la grossesse dans ce groupe d’âge extrêmement vulnérable. Les conséquences de la fistule obstétricale sont effroyables. Tragiquement, l’arrêt prolongé de l’accouchement qui a causé la fistule conduit aussi presque invariablement à un cas de mortinatalité, tandis que la femme subit une fuite chronique d’urine et, parfois, de matières fécales. Incapable de rester sèche, elle est souvent abandonnée par son mari et sa famille et tenue à l’écart de sa communauté. Si elle ne reçoit pas de traitement, ses chances de travailler et d’avoir une vie familiale sont fort limitées.

Que faut-il faire?

Le meilleur moyen d’éliminer la fistule obstétricale est de la prévention. Les interventions de nature à protéger la santé des femmes sont bien connues, fort efficaces et accessibles pour un coût raisonnable. Il serait possible de réduire très sensiblement la morbidité maternelle si chaque femme avait accès à des services de santé sexuelle et procréative de grande qualité notamment à de la planification familiale, des soins prénatals, du personnel qualifié à l’accouchement dont des sages-femmes formées, des interventions obstétriques d’urgence de grande qualité et à des soins aux nouveau-nés. À long terme, la prévention exige aussi d’affronter les inégalités sociales et économiques sous-jacentes au moyen d’initiatives visant à éduquer et autonomiser femmes et filles, à enrichir leurs perspectives de vie et à retarder l’âge du mariage et de la première grossesse.

Ibrahima FALL